Les malformations ano-rectales

Que sont les malformations ano-rectales ?

Les malformations ano-rectales (MAR) sont la conséquence d’anomalies du développement de la partie terminale du tube digestif intéressant l’anus et/ou le rectum. Ces anomalies surviennent précocement autour du 1er mois du développement embryonnaire. Elles consistent en une anomalie de l’abouchement du tube digestif au périnée, et dans les formes majeures aboutissent à une absence totale de conduit ano-rectal. Cette malformation touche environ une naissance sur 3500.

Les anus « antéposés » sont en dehors de ce champ car c’est l’ensemble du complexe sphinctérien et du canal anal qui sont déplacés. Il n’y a pas d’incontinence fécale dans ce cas, hormis par regorgement de selles, accessible à un traitement médical, ni d’indication opératoire.

Dans 60 à 75 % des cas, les MAR sont associées à d’autres malformations survenues au cours du développement, qui concerne principalement l’appareil urinaire et génital, le squelette (en particulier le sacrum) et le cœur. Dans 20% des cas, il peut y avoir également des malformations de la fin de la moelle épinière. Les atrésies de l’œsophage (lien vers le site) peuvent être associées aux malformations ano-rectales. Ces malformations associées nécessitent une prise en charge spécifique avec recours aux spécialistes concernés : pédiatres gastro-entérologues , cardiopédiatres, chirurgiens urologues, néphrologues, neurochirurgiens…. Dans 20% des cas de ces formes associées, un syndrome rare est identifié et nécessite un suivi génétique.

Les anomalies anatomiques résultant du processus malformatif en cause dans les MAR sont définitives. La chirurgie est indispensable pour rétablir une anatomie proche de la normale. Néanmoins, elle ne permet pas de restaurer toute la fonction de défécation qui est dépendante de l’anatomie du rectum et du canal anal, de muscles (le sphincter interne lisse et le complexe sphinctérien strié ainsi que les muscles du périnée) et de nerfs qui peuvent être altérés par la nature même des malformations, en particulier si il existe des anomalies du sacrum et de la moelle épinière.

Le risque principal de ces malformations anorectales est la persistance d’une incontinence pour les selles par regorgement (trop plein) ou par incompétence musculo-sphinctérienne et troubles du ressenti. Une incontinence urinaire peut être associée dans les formes très sévères de MAR. Une prise en charge globale, tenant compte de tous les aspects de cette malformation ainsi qu’un accompagnement par une équipe de professionnels permet aux enfants d’acquérir une propreté socialement acceptable, voire une vraie continence. Au 21e siècle, les enfants atteints de MAR doivent pouvoir suivre une scolarité normale et accéder à une bonne qualité de vie.

Ainsi, la place des soins de support dans cette prise en charge est fondamentale, et les patients doivent être accompagnés, tout au long de leur prise en charge, par les interventions répétées de stomathérapeutes, kinésithérapeutes spécialisés en rééducation du périnée, diététiciens et psychologues, tous spécifiquement formés à ce type de pathologies complexes. L’éducation thérapeutique du patient, en harmonisant les interventions des différents intervenants, participe à le rendre autonome et à s’approprier son/ses anomalie(s).

Lors du passage à l’âge adulte, il existe un risque majeur de rupture dans la continuité de la prise en charge, et en l’absence de suivi, un risque accru de survenue de complications digestives, urinaires voire neurologiques. Les consultations de transition prennent toute leur importance pour orienter au mieux les patients en service d’adulte.

Dans les formes les plus sévères, le retentissement physique, psychologique et économique de la gestion au quotidien de l’incontinence peut entrainer des difficultés d’insertion, autant sociale que professionnelle, en l’absence d’accompagnement spécialisé.

Les malformations anorectales et pelviennes sont donc des pathologies dont le risque majeur est la persistance d’une incontinence fécale et/ou urinaire permanente(s), parfois compliquée d’atteintes de la fonction urinaire mais pour lesquelles on peut améliorer la qualité de vie avec une prise en charge pluridisciplinaire adaptée. Globalement, elles restent ainsi des pathologies chroniques qui entravent peu la vie quotidienne des patients, acteurs de leur prise en charge, sous réserve d’un accompagnement médical et paramédical spécialisé.

LES MALFORMATIONS ANO-RECTALES par Pr S.SARNACKI DANS  « ALLO DOCTEUR «  (France 5)

Le traitement chirurgical est bien codifié et varie selon les formes anatomiques. On distingue les formes basses et les formes hautes :

Dans les formes basses, il manque « simplement » la partie terminale du canal anal. Il peut exister un orifice (qui n’est pas un anus), appelé fistule, que l’on voit au périnée et par lequel peuvent s’écouler les premières selles vertes (méconium) ; ou pas d’orifice du tout. Dans ce cas, une réparation chirurgicale en un temps est réalisée sans avoir recours, le plus souvent, à une colostomie. Ces enfants requièrent néanmoins un suivi rapproché et prolongé en raison d’une tendance à la rétention de selles pouvant compromettre le contrôle des mécanismes défécatoires.

Dans les formes hautes, il faut distinguer les anomalies du garçon et de la fille.

Chez le garçon, il existe le plus souvent une communication du cul de sac rectal avec la filière urinaire (fistule recto-urétrale): soit avec l’urètre au niveau de la prostate (fistule recto-prostatique) , soit avec l’urètre sous la prostate (fistule recto-bulbaire). Il existe de rares formes où le cul de sac rectal s’abouche directement dans la vessie (fistule recto-vésicale). Le pronostic de la continence est en partie dépendant de la forme anatomique : plus la fistule est haut située, plus le risque de malformation des muscles et des sphincters est élevée et donc plus le risque d’incompétence sphinctérienne augmente.

Chez la fille, les formes hautes sont représentées essentiellement par les malformations cloacales. Dans ce cas il existe une communication des trois filières digestives, génitales et urinaires qui s’abouchent dans un canal commun. La longueur du canal commun est un élément important du pronostic. Plus le canal est long, plus le risque de malformation des muscles et des sphincters est élevée. Il existe également des formes d’abouchement de la fistule dans le vagin à différents niveaux.

 

En ce qui concerne le traitement chirurgical, une colostomie est réalisée de première intention, permettant à l’enfant de grossir avant d’effectuer la réparation chirurgicale périnéale qui a lieu vers l’âge de 3 ou 4 mois. La technique la plus couramment utilisée est l’anorectoplastie sagittale postérieure décrite par Pena et De Vries qui fait aujourd’hui place dans certains centres à une technique d’abaissement par voie de coelioscopie. La colostomie est fermée 2 à 3 mois après la réparation périnéale.

Il existe aussi des formes exceptionnelles type sans fistules, atrésie rectale, fistule en H.

OPÉRER LES MALFORMATIONS DU RECTUM ET DE L’ANUS : PAR  Pr SABINE SARNACKI POUR « LE MAGAZINE DE LA SANTÉ » (France 5)

Les illustrations ont été réalisées par Dr Jean-Luc Michel, Chef de service de chirurgie infantile à l'hôpital Félix Guyon (Saint-Denis de la Réunion)